Mercredi 7 novembre 2018
Quand je me réveille, mes courbatures ont disparu ! Mes jambes sont toujours fatiguées, comme tout mon corps d’ailleurs mais je n’ai mal nulle part. La journée est de toutes façons plus calme: Sato m’emmène en voiture pour faire le tour de l’île de Yakushima, dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. La route suit la côte puis s’en éloigne par moments. Au loin, à Isso Beach, un torii rouge protège les pêcheurs qui partent depuis le port. A Nagata, la plage a des airs tropicaux: le sable est blanc, la mer est turquoise. On voit l’île de Kuchinoerabujima, dominée par un volcan très actif. C’est sur cette plage que les tortues viennent pondre leurs œufs une fois par an. Je me sens vraiment en vacances au bout du monde.
Plus loin, nous rentrons un peu dans les terres pour rejoindre la gorge de Yokogawa. C’est isolé, c’est sauvage (enfin presque, il y a un chemin aménagé pour y arriver, comme souvent au Japon, mais dans le respect de la nature). Il y a moyen de passer d’un rocher à l’autre au milieu de la rivière.
La route quitte le bord de mer et devient sinueuse, grimpant sur les falaises. Elle entre dans un parc naturel entouré de forêt. La faune locale n’a aucune crainte et se promène sur la route. Nous voyons des biches, mais surtout plusieurs groupes de singes qui n’ont aucune honte, copulant avec plaisir au milieu de la route. J’ai beaucoup ri en voyant les primates jouer dans les bouches d’égout, se cachant et apparaissant subitement, ou se cachant derrière les hautes herbes. Mes photos sont parfois un peu floues, je les ai prises au smartphone, avec le zoom poussé à fond.
La conduite n’est pas simple pour Sato; la route est étroite et il faut se ranger quand une autre voiture nous croise, et surtout quand un bus arrive. Mais nous sortons du parc naturel après une bonne heure et arrivons à nouveau au niveau de la mer. Nous nous arrêtons à la cascade d’Ohko-no-taki puis allons manger un peu plus loin, dans une jolie crique. J’ai plus pensé à manger qu’à prendre des photos, alors que le décor était idyllique.
Dans un magasin de souvenirs à Miyanoura, j’avais vu une jolie tasse en céramique bleue et je l’avais décrite à Sato. Elle a tout de suite su qui était le producteur, un vieux monsieur, et nous nous arrêtons dans son atelier. Il y a plein de jolies choses, très brutes, et je me dis que cela me fera un souvenir très particulier. J’achète un bol à riz, un bol à thé et un bol à saké.
C’est l’heure de la détente ! Sato m’emmène à un onsen en plein air, le Yudomari Onsen. Un bassin d’eau chaude a été façonné entre les roches noires et est accessible à marée basse. De loin déjà, la vue est superbe, de près c’est magnifique, très brut, très sauvage. Nous sommes seules et cela nous arrange. Nous trempons un long moment dans cette eau bien chaude, avec le vent qui nous rafraîchit mais aussi le soleil qui nous réchauffe. J’imagine que cet endroit peut faire penser un peu à l’Islande, mais avec un climat bien plus clément. Ce moment est tout simplement unique et je rêve depuis d’y retourner.
Nous reprenons la route, longeant la côte sud de l’île, jusqu’à la chute de Toronki-no-Taki, située un peu à l’intérieur des terres, au bout d’une route sinueuse qui monte. Cette cascade a également été une source d’inspiration pour Miyazaki. Le débit de l’eau est faible et seul un fin filet coule aujourd’hui, par manque de pluie. Dans la cabane où se vendent des souvenirs, je trouve un adorable bol à saké avec un petit kodama au fond.
L’après-midi est déjà bien entamée et nous commençons la dernière partie du trajet, du côté de la petite ville d’Anbo, avec un premier arrêt à une distillerie de shochu local que je goûte, mais j’achète plutôt un genre de vin parfumé aux fruits de la passion cultivés sur l’île.
Un festival de photographie a lieu pour le moment, et il y a quelques photos qui sont affichées là, ainsi qu’au centre communautaire. Cet endroit ressemble un peu aux vieilles salles paroissiales en Belgique, avec pas mal de désordre, une scène pour les spectacles, de vieux décors, de nombreux tambours. Y sont projetées des photos anciennes de l’île. A vrai dire, je trouve que la photo qui est sur l’affiche de l’événement est la plus belle des œuvres exposées. Mais lors d’un festival de photographie, c’est rare de rencontrer l’organisateur, comme ce matin, et de faire la conversation avec lui. Sur une petite île comme Yakushima, il a tout de suite une plus grande proximité.
C’est l’heure de la glace au matcha, et j’en profite pour acheter du thé cultivé sur place. Et puis, c’est le retour vers Miyanoura, terminant la boucle commencée le matin et longeant notamment la piste d’atterrissage du petit aéroport. Je remercie de tout cœur Sato pour cette très belle deuxième journée et pour le temps qu’on a passé ensemble, ainsi que pour les conversations que nous avons eues. J’ai eu l’impression de passer ces deux jours avec une copine, pas avec un guide qui fait juste son boulot.
A l’hôtel, je profite une fois de plus de l’onsen puis du repas. Je reçois à nouveau divers plats, dont un légume de la forêt assez bizarre, filandreux et au final pas très digeste. Le dépiautage avec des baguettes d’un poisson avec de nombreuses arrêtes est un désastre et je tente de cacher mon oeuvre… mais il y a d’autres plats encore, comme du tofu à la cacahuète, de l’aubergine au miso, un genre du pudding au maïs, des sashimis, des rouleaux de printemps à la coquille saint-jacques… Je me rends compte que ce soir, je sature un peu de tous ces goûts et textures inconnus pour mon palais, mais je reste malgré conquise à cette cuisine très raffinée et spéciale. Et je dis adieu à Mizaki qui s’est tellement bien occupée de moi, m’expliquant tous ces plats.
Je passe ma soirée à ranger ma valise, puis à lire et à revivre tout ce que j’ai vécu ces deux derniers jours vraiment exceptionnels. Il n’y a pas à dire, Yashushima est l’apogée de mon voyage.
Statistiques du jour: 6169 pas – 4,5 km