Le petit-déjeuner est du même niveau que le reste – pas très bon donc – et je ne mange quasi rien: un toast un peu mou et un oeuf dur. Nous partons pour une promenade dans la jungle. Indications vestimentaires de Roshan: « good walking shoes and shorts – no pants – so you can see the leeches ». Des sangsues donc, ça promet ! C’est à Kitulgala qu’a été tourné en grande partie le film Le pont de la Rivière Kwaï. Il ne reste quasi rien de celui-ci – il a été dynamité à la fin du film – juste les socles en béton. Il fait chaud et humide et le chemin monte et descend. Il n’y a pas grand chose à voir, des arbres, des plantes, un caméléon qui fait caméléon. Au loin, on entend des sirènes et des détonations. Nous sommes en effet tout près des grands travaux pour la construction d’un tunnel et d’un barrage sur la rivière. C’est un peu triste de voir comment la nature est transformée par la main de l’homme… J’ai de la chance, je n’ai pas été attaquée par les sangsues, contrairement à Anna qui la détache en l’aspergeant de DEET. En fait, c’est minuscule, ces bestioles. Même si la promenade n’était pas de plus intéressantes, c’était agréable de bouger et de marcher.
Nous rentrons à l’hôtel pour une douche bien méritée et un repas de… toast fromage-tomates. Mon menu n’est décidément pas très original mais au moins, je n’aurai pas trop mangé.
La route vers Nuwara Eliya est assez spectaculaire, ondulant entre les plantations de thé. Nous nous arrêtons pour en boire une tasse, justement, accompagnée de cake au chocolat. Plus loin, des cueilleuses sont au travail – la photo cliché pour le Sri Lanka. Ces photos ne sont pas sans coût: Roshan avait rassemblé de l’argent au début du voyage notamment pour donner un pourboire à ces femmes. Mon sentiment est donc partagé: j’ai de jolies photos mais j’ai dû payer pour les faire, chose que je n’apprécie pas.
Quand nous arrivons à Nuwara Eliya, il est déjà 16h. Cette station d’altitude (1900 mètres) était un lieu très prisé par les coloniaux britanniques et a été rebaptisé « Little England ». Tout fait penser à l’Angleterre: le terrain de golf, le circuit pour les courses de chevaux, les bâtiments en style « normand ». A peine arrivés à l’hôtel, nous partons en promenade pour profiter de la dernière heure de lumière du jour. Il fait frais, le gilet est nécessaire. Le centre-ville est un peu décevant: de nombreux bâtiments modernes gâchent la vision idyllique que je me faisais de cette station d’altitude. Il y a certes quelques beaux bâtiments comme la poste mais la plupart sont plus loin du centre et je n’aurai plus l’occasion d’aller les voir. Je me sens en effet mal, j’ai la nausée et ma tension est en chute libre.
De retour à l’hôtel, je me rends compte qu’Aneta n’a pas remis la clé de la chambre à la réception et je dois courir partout pour la retrouver alors que je me sens défaillir. Je la récupère enfin et me couche un moment. Heureusement, mon malaise n’était que passager et je me sens déjà mieux une demi-heure plus tard. Je sors ma jolie robe à oiseaux exotiques et décide d’explorer l’hôtel. Nous logeons en effet au Hill Club, ancien club pour la gente masculine de l’époque coloniale. Superbe bâtiment en pierre, il domine un grand jardin aux plantes exotiques (ces fougères arborescentes !).
Il était interdit aux femmes, du moins les pièces principales, et elles devaient entrer par une entrée réservée pour elles. Il y a une immense salle de billard (où les tables ne nécessitaient sans doute pas de cartons de bière pour les redresser), une bibliothèque avec de nombreux fauteuils, une immense salle à manger, un petit bar. Bar où je retrouve les autres membres du groupe. Tout le monde s’est mis sur son trente-et-un, y compris les hommes qui ont emprunté vestons et cravates pour nous rejoindre. Aujourd’hui encore, il faut en effet respecter les conventions de ce lieu chic ! Tout le monde s’y est plié avec plaisir et ce n’est pas plus mal de revivre pour un court moment une époque révolue. Cela fait très Indian Summers comme ambiance. Vu le lieu, je commande un gin tonic mais je reçois à nouveau une minuscule dose de gin et une grande bouteille de tonic mais cela aurait été dommage de ne pas respecter les traditions.
Nous allons ensuite manger dans la grande salle du restaurant, où les serveurs en smoking et gants blancs s’affairent autour de nous. Je commande un plat simple, des crevettes grillées géantes, accompagnées de riz et de légumes. C’est très bon et très peu srilankais mais peu importe. Je me laisse même tenter par un verre de vin blanc, un Sauvignon du Chili. Mon voisin Nick me parle de son intérêt pour les musiques du monde et il en connaît bien plus que la moyenne des gens, ce qui me fait plaisir.
Après le repas, je retourne bien vite à ma chambre: je me sens mieux mais pas tout à fait au top et je préfère aller dormir tôt pour être en forme pour la journée du lendemain. J’y découvre que le chauffage a été allumé – il fait en effet frisquet – et qu’on a glissé une bouillotte dans le lit, chose qui ravit Eddy – il se précipite dessus. Tout cela était bien nécessaire: je suis une grande frileuse et je dormirai mal à cause des courants d’airs qui traversent la chambre, l’isolation n’étant pas au point dans cette vieille bâtisse. On a également déposé une fleur sur le lit, avec une phrase de Shakespeare.
Même si c’était une belle journée, j’ai un grand regret. Je pense que suis frappée de la malédiction des stations d’altitude coloniales. Cela doit être la quatrième que je visite mais à chaque fois, le temps manque pour s’y promener, et s’imprégner de l’atmosphère si spéciale – un mélange entre les Alpes suisses et de l’exotisme local. J’aimerais vraiment rester plus longtemps dans ce genre d’endroit. J’ai eu ce sentiment en Birmanie à Pyin-U-Lwin où j’aurais aimé passer la nuit, à Dalat où je voulais prendre plus de temps pour visiter la ville mais où j’ai été retenue par mon compagnon de l’époque, à Ooty en Inde du Sud où je n’ai fait que dormir – dans un bel hôtel colonial certes – mais sans ballade locale.